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Terrains d'entente, terrains d'attente

«Faisant le constat que (son) activité professionnelle est proche en terme d’actes de travail et de moyens de production de l’activité d’un entrepreneur ou d’un travailleur du secteur tertiaire», Joséphine Kaeppelin cherche à créer des situations qui ne dépendent plus seulement de son geste artistique. En cela, son travail pourrait se lire à travers le prisme du concept, car en effet, l’oeuvre produite n’est plus uniquement à envisager pour sa matière. Le résultat est à chercher ailleurs. Du côté du vaste champ des interactions humaines. En se construisant au gré de rencontres et d’échanges avec le monde singulier de l’entreprise, la démarche de Joséphine Kaeppelin envisage une grande part de dématérialisation de l’oeuvre, pour mieux convoquer tout un système de production qui emprunte moins à l’univers de l’atelier d’artiste qu’à celui du technicien industriel. Convaincue que «l’esthétique du bureau n’est pas sa limite», elle qui avait pourtant commencé à tutoyer de près l’univers du travail en accordant un espace de subjectivité à l’outil informatique (ordinateur, imprimante et logiciel), le projet présenté pour l’exposition FAIRE FAIRE résulte du prolongement de ses investigations et de sa volonté à intervenir en amont sur l’outil de production afin de dévier le résultat final. Déléguer et contraindre, n’est-ce pas là le propre de toute dimension hiérarchique et professionnelle ? L’autorité de l’artiste, de l’outil et de l’oeuvre elle-même, est ainsi questionnée dans le projet Appuyer sur pause, à travers lequel l’artiste s’est employée à «maltraiter» un matériel d’impression et à «déranger» une équipe d’imprimeurs afin de produire une oeuvre qui garderait la mémoire visuelle d’étapes de production déléguées et forcées. Produite à distance sur la base d’un protocole envoyé par e-mail à l’entreprise d’impression, l’oeuvre se présente comme une pièce de tissu continue invitant le spectateur à prendre le temps d’observer les décisions et leurs conséquences dont elle est le produit, entre ruptures et aplats de couleur noire. S’arrêter, regarder. Faire une pause. Puis recommencer.

Mickaël Roy, Mulhouse, septembre 2012
Texte écrit pour le journal de l'exposition FAIRE FAIRE, et imprimé en septembre 2012.