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à propos de Je ne veux pas voir ça, 2014

« Quand une œuvre se compose de signes qui agissent, on peut dire qu’elle est en mesure de mettre en œuvre
une forme de reliance. C’est ce que Bourriaud dit à propos du pouvoir de la virtualité des images. Par
exemple, à propos de ton travail, la plaque en Corian® Je ne veux pas voir ça est très significative. Que
se passe-t-il là ? Que nous dit-elle ? Il y a plusieurs niveaux pour la lire. D’abord, elle s’impose par
sa forme et sa matérialité. C’est un rectangle qui peut évoquer une forme qui suggère la présence
d’un produit technologique : un écran de télévision. Accroché au mur, c’est un cadre bien étrange.
Un monochrome ? Il est noir, en effet. À priori sans autre information que ce que véhicule son apparence
et sa consistance. C’est un gouffre pour le regard. Un espace haptique d’une immense profondeur, qui fait
disparaître ce que l’on voit en même temps qu’on le découvre. Que voit-on alors ? C’est là que se joue
la reliance. Car s’il y a cette première direction, celle d’une absorption, il y a également un retour.
Par cette phrase gravée, et qui bien loin de s’imposer, affleure en surface. Doucement mais comme une charge,
car ce que le regard voit, le regardeur doit le lire aussi : « Je ne veux pas voir ça » ! En lisant,
on prononce aussi ces mots qui deviennent les vecteurs d’une réaction. Qu’est ce donc que je ne veux pas voir ?
se demande-t-on justement ! Ce pourrait tout à la fois être l’expression d’une décision, un acte de résistance,
mais aussi l’expression d’une démission du regard, un manque de courage face à ce qui se passe. Peu importe l’évènement.
Cette image questionne la responsabilité du regardeur devant l’étendue du visible et d’une certaine
manière une prise en charge critique de ce qui apparaît face à nous. Le poète Rilke écrivait que c’est
l’expression du destin d’avoir toujours à faire face...Être face, c’est s’interroger sur ce qui fait
obstacle. [ … ] Elle fait réagir, elle met l’esprit en route. C’est indéniablement un message agissant. »

extrait de la conversation rédigée par Mickaël Roy en complicité avec Joséphine Kaeppelin
Ceci n’est pas un entretien, Août/Septembre 2014, a été publié à l'occasion de l'exposition à l'espace International du CEAAC, Strasbourg.
graphisme : Joséphine Kaeppelin


ceci n'est pas un entretien, 2014, Mickaël Roy

ceci n'est pas un entretien, 2014, Mickaël Roy

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