retour


note sur ma pratique

Je pars d’une hypothèse - fiction théorique : les machines ont une subjectivité - est entendu par machine
tout appareil qu’il soit analogique, argentique ou numérique. La machine est un interlocuteur particulier
qui me permet de traiter des questions de production, de reproduction et de répétition.
Par un chemin de pensée différent de Vilém Flusser, j’arrive à la même conclusion : tromper l’appareil et
« introduire [...] dans son programme des intentions humaines qui n’y étaient pas prévues. »*

En partageant la responsabilité de l’image technique produite avec l’appareil, je trompe d’autant mieux
la machine que je lui fais faire ce qu’elle n’avait pas programmé : être co-auteur. La quête d’un espace
de liberté sur Internet, la volonté de résister au programme en lui opposant l’idée de balade, la contemplation
et l’errance numérique comme forme de résistance sont des notions qui nourrissent mon travail.
Les changements de perception et de statut de l’image, déclenchés par l’ordinateur et les nouvelles technologies,
sont source d’interrogations. Je réemploie et manipule des codes, des langages, des formats ou des paramètres prédéfinis
et interroge le statut du virtuel ainsi que les standards tendant à opposer original/reproduction ou pièce unique/multiple.
Par ce biais, je cherche à comprendre et évaluer la valeur des images techniques : impression digitale, fichier
informatique, site Internet (comme forme d’édition), capture d’écran, estampe numérique...
Je m’interroge sur la nature de la (ou des) production(s) de l’artiste et sur son statut. Ce qu’il fait.
Je tend à endosser la condition d’artiste-prestataire de service intellectuel et spirituel** et/ou d’artiste-entrepreneur***.
Mes dernières recherches m’amènent à comparer des termes et des notions issus du monde de l’entreprise industrielle
avec mes actions artistiques. Mettre en regard la sous-traitance, l’externalisation, la délocalisation, la reconversion
avec le fait de faire faire un objet ou une image par une machine, une entreprise, déléguer via Internet ou un logiciel.

* Vilèm Flusser, Pour une philosophie de la photographie, 1996, édition Circé

** artiste-prestataire de service qui fournit un acte engagé, qui apporte et ajoute un bien matériel ou pas.
*** entrepreneur entendu comme quelqu’un à l’initiative d’un projet, qui décide et dirige l’exécution d’une œuvre,
sous-traite une partie de son travail, fait appel à une techni- que ou un savoir-faire extérieurs, externalise
et délocalise sa production, fait exécuter la réalisation d’une pièce par autrui.


joséphine kaeppelin, janvier 2012