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ON / OFF
(document de salle)

Joséphine Kaeppelin déploie un travail artistique initialement basé sur l’usage de machines. Les appareils sont à la fois des moyens de production, des co-auteurs et une matière à réflexion. Mettant en avant des usages et des gestes, elle recentre l’attention sur la présence humaine au sein d’un système de production en prise avec des machines. Utilisant des formats prédéfinis, des standards, des paramètres par défaut, elle expérimente la réappropriation par l’utilisation. Employer une machine à contre-emploi, ou dévier la finalité d’un programme peuvent être assimilés à des actes de résistance - moyen de créer un temps et un espace de liberté et de réflexivité. Elle « court-circuite » un programme dans le but de donner à voir le système qui le structure. Elle interroge la conscience dans l’action et le « faire », l’indépendance de choix et la singularité dans un système, la réalisation de soi par et dans une activité. Ses travaux récents considèrent un système à plus grande échelle : la société.

Pour l’exposition « ON / OFF », Joséphine Kaeppelin déploie une série de travaux proposant d’envisager « l’arrêt » comme producteur de sens, de formes, d’images et de réflexions. En écho à la situation postindustrielle européenne, et à l’omniprésence des nouvelles technologies et ses appareils corollaires, l’artiste porte un regard critique sur l’usage des machines et les mécanismes du travail. Elle invite le visiteur à prendre un temps de pause pour réfléchir au fonctionnement de ces systèmes en marche continue.

Une série de travaux considère l’écran « éteint » ou « à éteindre » comme un premier support de réflexion. La série DISPLAY de plaques en ©Corian noir donne à voir des fac-similés de télévisions « écran plat » éteintes, coupées du flux d’informations. Les schémas et le texte gravés sont autant d’inscriptions énonçant une volonté de choix « Je ne veux pas voir ça » ou représentant schématiquement un couloir restreignant et conditionnant une liberté d’action et de pensée – critique de cet émetteur technologique en marche continue. Le projet TURN ON / TURN OFF focalise l’attention sur l’acte même d’éteindre un écran. Ce geste quotidien et anodin devenu un réflexe a perdu toute conscience dans sa réalisation. Eteint-on d’ailleurs vraiment nos Smartphones ou ordinateur ? Donner une telle ampleur à ce geste est une invitation à ce qu’il redevienne un acte sensé et mu par une volonté.

D’autres travaux prennent leur source dans des faits sociétaux et le monde du travail. Il en résulte des collaborations où l’artiste est alors un opérateur qui enclenche une production et une réflexion. La pièce Appuyer sur pause fait écho à l’arrêt temporaire des Hauts fourneaux de Florange en 2011. A partir de ce fait de société, l’artiste a imaginé un protocole de réalisation d’une impression textile en forçant l’arrêt de la machine en pleine production. Le support devient le lieu d’une rupture visuelle traduisant elle-même une cessation d’activité industrielle ailleurs. L’installation slide-show quant à elle emprunte et détourne l’outil Microsoft PowerPoint systématisé dans le monde de l’entreprise. Le logiciel de présentation est à la fois un outil de production et un moyen de parler des mécanismes du travail. Enfin, le projet MADE WITH déplace le débat sociopolitique de la localisation d’une production à l’état d’esprit de la personne pendant l’acte de travail. Il s’agit d’aborder la question du travail par la valeur intime de celui-ci. L’artiste interrompt des individus dans leur activité les invitant à une prise de recul : un temps de pause pour réfléchir à ce qu’ils font. Le projet prend la forme d’une collecte, le premier collaborateur est Roger Gorrindo, graveur lapidaire.

texte écrit à l'occasion de l'expositon ON/OFF à Greylight Projects, Bruxelles, mai-juin 2014